Le trophée Capitaine Hayet Sète - 2016
C'est sous un temps estival que se sont déroulées les fêtes des 350 ans du port de Sète - anciennement Cette - et autrefois baptisée l'Ile singulière -
Du 22 au 28 mars, autour des nombreux canaux qui traversent la ville, des milliers de personnes se sont donné rendez-vous pour admirer les bateaux, les défilés en costumes, écouter les fanfares, les conférences et les chants, applaudir les joutes sétoises, gouter la cuisine locale et participer aux activités les plus diverses autour d'un seul thème : la marine à voile.
Toute la journée du vendredi, se sont déroulé les épreuves du
6ème Trophée du Capitaine Hayet, concours de chants de marine et de
marins, lancé à l'initiative de Michel Colleu. Natif du Havre, Michel Colleu,
musicien, musicologue, s'est intéressé très tôt à la collecte des chansons
anciennes, et à la transmission de la mémoire. Collaborateur éclairé du
Chasse-Marée depuis sa fondation, il a également co-fondé l'Office du
Patrimoine Culturel Immatériel OPCI, et était le conseiller artistique et
co-organisateur musical d'Escale à Sète 2016. Rappelons-nous que c'est à lui que
nous devons le magnifique numéro de Chasse-Marée de 1998 consacré à Armand
Hayet.
Le matin, nous avons pu entendre des chansons des gens de mer et de rivière ; l'après-midi jusqu'à 18 h, des chants à virer au cabestan, et des chants à hisser, respectivement autour d'un magnifique et authentique cabestan et au bord du merveilleux brick tchèque "La Grâce", habité de ses pirates véritables en costume d'époque.
Ecoutez et regardez : 2 chants de marins et de rivières
Mettez en plein écran et montez le son !
Les compétiteurs étaient professionnels ou pas, vrais marins ou simples amoureux des traditions, et venaient de Bretagne, de Provence, de Corse, du Languedoc, de Normandie, du Portugal, de Grande-Bretagne, de Tchéquie, d'Irlande, d'Ecosse, de Pologne... les Taillevent, les Fortunes de mer, Vergue au vent, Le pont supérieur, Trigorno, Mouez Port-Rhu, Touline, the Aude Shantymen, Pipe Band ClaymonrClan, le talentueux équipage de Banana Boat, et beaucoup d'autres. Des individuels ont aussi remporté des prix : Brigitte Kloareg, Louis Coupiac, Elouan Le Sauze, Marc Clérivet, Jean-Michel Balester et Alain Charrier, ce dernier pour le prix spécial langue d'Oc.
Ecoutez et regardez : 3 chansons à virer autour du cabestan
Ce n'est pas le "Pique la Baleine" de mon enfance. La musique est vivante, les traditions évoluent. On retrouve les paroles, mais la musique a un peu changé.
Bienvenue au nouveau Pique la Baleine !
Ecoutez et regardez : chanson à hisser à bord de la Grâce
Le jury était composé de Messieurs Pierre Laurence (ethnologue et musicologue), Bernard Cadoret (fondateur du journal Chasse-Marée), André-Marie Despringre (ethnomusicologue), Pascal Servain (Vice-Président de l'OPCI et trophée Capitaine Hayet en 1998), Giovanni Mauriello (artiste lyrique), Michel Pénisson (collecteur de chansons de Noirmoutier) et Jean-Louis Zardoni (chansonnier). Les groupes et les solistes n'étaient pas sonorisés, mais se passaient tous fort bien de cette assistance technique.
Pour clore la journée, le jury nous a gratifié d'une superbe chanson au cabestan, que je vous laisse découvrir :
Tous nous ont ravis, même si seulement huit d'entre eux ont reçu un prix, en l'occurrence, des bateaux en bouteille réalisés par le grand-maître du genre : Henry Rannou.
Le lendemain a vu des joutes sétoises, au grand plaisir du public chaque fois qu'un jouteur tombait à l'eau. Un peu plus tard, une démonstration de futurs jouteurs, à partir de 4/5 ans, sur des petits chariots à roulettes, avec de minuscules boucliers !
Un petit tour dans l'eau en bateau nous a permis d'admirer les grands voiliers sous un autre angle.
Et encore : une maquette de l'Hermione avec ses deux réalisateurs passionnés, une exposition sur l'histoire du port de Sète, des activités pour les plus jeunes : accro-mâts et confection de maquettes, et la visite des voiliers à quai : le Marité (dernier morutier français), la Santa Maria Manuela portugaise, le Shtandart russe, et l'aviso Jacoubet de la marine nationale. Des démonstrations de chapellerie, des stands de séchage de harengs, des livres à profusion, le très beau stand du journal Le Chasse-Marée, la flotte de pêche et de voiles latines...
Des ateliers de corderie, de tonnellerie, des cortèges de dockers rouleurs de barriques, un authentique wagon bi-foudre SNCF, un orgue de barbarie Barcelonnais en cuivre, et des espaces métiers de la mer, conserves, produits locaux, et huitres du bassin de Thau...
Partout et tout au long de la fête, bordées spontanées sur scène, sur quai, sur les bateaux, dans les tavernes, ainsi que chants locaux en patois et l'inévitable Brassens !
Le soir, après la remise des prix, un concert spécial du Commandant Hayet a eu lieu sur scène, plus ou moins improvisé, et avec participation du public. Il s'est achevé sur le charivari sur le thème d'Hayet, Hayet, Commandant Hayet, mettant gentiment en boite Michel Colleu, comme tout charivari qui se respecte.
(La chanson "Commandant Hayet" est à retrouver à la minute 19 de l'intégrale OCPI ci-après)
Le samedi, des joutes de chants de marins se sont succédées sur le quai, et sur l'espace Hayet : la Casquette du marin. Puis elles ont laissé place à un concert, et enfin, au cœur de la nuit, une ultime joute : "Escale dure : la casquette du marin velu". Velu, je ne sais pas, mais salé et sans langue de bois, plutôt style des Chansons de la Voile sans voile... et annoncée comme "répertoire vigoureusement chaloupé" !!!
Ecoutez et regardez un court extrait d'une de ces chansons
Pendant ces journées, nous quittions parfois Michel Colleu qui, avec un dévouement sans limite, briefait ses
musiciens, pour découvrir également le reste de la fête.
A bord
de la Grâce, qui retrouvions-nous en train de hisser la grande vergue ? Et autour du cabestan pour aider à la manoeuvre ? Michel
Colleu !
Et dix minutes plus tard, à une terrasse de café, je vous le donne en mille : ... Michel Colleu ! en train de boire un petit tafia pour se réconforter ? Nenni ! Il jouait du violon en chantant (essayez un peu de faire les deux !) avec ses acolytes à l'accordéon, au hautbois et à la cuillère à soupe recyclée. Voilà entre autres, pourquoi cette fête fut un triomphe, et un très grand plaisir pour tous !
Merci également à Monsieur Wolfgang Idiri, directeur de la
manifestation qui n'a pas hésité à entonner avec fougue les plus belles
chansons censurées ... sans quitter son costume cravate !