Officiers rouges, officiers bleus

C'est un texte un peu plus ardu, mais très documenté, et qui nous montre la grande érudition et le sérieux des recherches historiques d'Armand Hayet... malgré son âge avancé, cette communication ayant été faite à 75 ans passés... ce qui force le respect. Je me suis permis d'y faire quelques coupures...


OFFICIERS ROUGES
OFFICIERS BLEUS

Communication faite à l'Académie de Marine le 28 novembre 1958


Il y a déjà plus d'un an de cela, je félicitais, chez moi (avec un rien d'envie), l'heureux possesseur d'un manuscrit du XVIII° siècle et (avec un rien de perfidie), le doigt sur la page de garde, je remarquai :

"Tiens, l'auteur, le sieur Colomb, lieutenant des vaisseaux du Roi, en 1719, est un roturier ?

- En effet...

- C'était donc un officier bleu, et il portait le fameux uniforme complètement bleu ?

- Forcément...

- Eh bien non ! il n'était pas officier bleu et il portait l'uniforme bleu et rouge. J'en suis convaincu."

...................................

Evidemment, depuis des ans et des ans, toutes les personnes que j'ai interrogées sur ce sujet, qu'il s'agisse de marins ou de terriens, et quel que soit le degré de leur culture générale ou spécialisée, toutes, sans exception, je dois le reconnaître, m'ont répondu sans la moindre hésitation :

"Officiers bleus ? mais c'est bien connu, c'est ainsi que l'on désignait les très rares roturiers admis dans le Corps des Officiers de la Marine royale, parce que, pour les différencier des Officiers nobles, ils ne pouvaient porter que l'uniforme complètement bleu et non pas bleu et rouge comme celui réservé aux Officiers gentilshommes."

................................... 

Je vais me permettre de vous rappeler ce qu'a été réellement le recrutement des Officiers de la Marine de l'Etat sous l'Ancien Régime.


Amerigo Vespucci - Maquette Gérard Aimé


Après les tentatives très honorables de François 1er, puis d'Henri II, après les essais d'organisation déjà plus étudiées de Richelieu, Colbert, notre grand Colbert, décida en exécution de son plan magistral de rénovation de la Marine de guerre, de créer un corps permanent d'Officiers, dont vraiment le besoin se faisait sentir.

"Tous les Officiers devaient être désormais recrutés dans les compagnies des Gardes de la Marine et aussi des Gardes du Pavillon, qui venaient d'être installées dans certains de nos ports militaires".

Mais, contrairement à ce qu'avait envisagé Richelieu, seuls les jeunes gens justifiant d'au moins quatre quartiers de noblesse pouvaient être admis dans ces compagnies. Cela tout le monde le sait. Ce qui est moins su... c'est qu'avant même la paix de Nimègue, en 1678, soit quelques années à peine après la signature de l'ordonnance évinçant les candidats roturiers, il fut jugé indispensable d'admettre sans tarder aux Gardes de la Marine une cinquantaine, je crois, de jeunes gens de famille roturière, mais vivant noblement. En l'espèce : les fils de hauts magistrats de l'Etat, de capitaines de la Marine du commerce, d'armateurs ou de négociants en gros se livrant au négoce de mer, y compris bien entendu le Grand Négoce : la traite des Noirs.

Voilà donc la première brèche - et de taille ! - faite à l'ordonnance fixant si rigidement le recrutement des états-majors de la Marine. D'autres suivirent...

En réalité, jusqu'à Choiseul et Castries, jusqu'au début du règne de Louis XVI, la plus grande diversité, la plus réjouissante fantaisie, le plus innocent favoritisme, mais aussi les plus judicieuses illégalités, présidèrent au recrutement et à l'avancement des Officiers de la Marine du Roi. Ce qui d'ailleurs n'empêcha nullement cette Marine, malgré l'incompétence et l'impéritie de pas mal de ses dirigeants, malgré ses propres défaillances, ses insuffisances, ses manifestations d'indiscipline, de se couvrir de gloire et de participer magnifiquement à l'édification de la grandeur de la FRANCE.

Les Gardes de la Marine, Origine commune imposée et respectée ? Quelle plaisanterie !...

Il y eut d'abord les Volontaires, qui ne furent nullement (je cite) : "créés par Choiseul pour remplacer les Officiers bleus !" ainsi que nous l'apprend assez innocemment un historien contemporain (paix à son âme !) pour la bonne raison qu'ils existaient déjà bien avant Louis XIV !

Cette très importante bordée de Volontaires ne comportait pas que des roturiers, loin de là ! Le chef d'escadre, marquis de Létanduère, mousse à 10 ans, fut embarqué comme Volontaire à 13 ans ; Guers de Cogolin, le marquis de Sercey, le marquis de Bonnivet et combien d'autres, débutèrent dans ce grade infime. Le plus grand nombre d'entre eux, roturiers ou nobles, après plusieurs années de présence sur les vaisseaux de l'Etat, allaient ou retournaient naviguer au Commerce...

................................... 

Ces jeunes gens ne furent pas toujours - comment dirai-je ? - appréciés à leur juste valeur par les grands chefs plus ou moins chenus, qui oubliaient leur propre jeunesse. Ainsi le Chef d'Escadre d'Almeras écrivait-il : "... tous ces Volontaires et Gardes qui n'apprennent pas leur métier mais mangent les poulets du capitaine et vident ses meilleurs flacons".

Et le grand Duquesne, dans son "Mémoire concernant l'Armement destiné pour faire une forte guerre aux Corsaires d'Alger" précise :

"...c'est pourquoi je crois qu'il est à propos, pour le bien du Service, que, pendant la guerre contre les Corsaires, l'on n'embarque aucun Garde de la Marine, aucun Volontaire, attendu qu'il leur faut à tous des lits, des tables et des sièges, ce qui occupe beaucoup de place et cause de l'embarras. Et de plus, ils font une grande dissipation d'eau douce et de rafraîchissements parce qu'ils sont souvent malades à la mer, etc."

Puis, il y eut les stupéfiants embarquements de militaires, qui n'étaient pourtant autorisés par aucune ordonnance, bien au contraire ! Mais nous ne devons pas oublier, quand nous explorons le Passé, que, si de nos jours les lois sont faites pour être, dans d'innombrables circonstances, tournées ou laissées aux oubliettes, il en a été exactement de même des ordonnances royales de jadis.

................................... 


Mais la Marine de guerre, malgré l'ordonnance de Colbert, continua comme par le Passé, à faire surtout appel, pour compléter ses cadres permanents, aux Officiers des bâtiments des Particuliers ou de la Compagnie des Indes, armés en marchandises ou en course, et même aux marins des bâtiments de la flibuste.

...................................  

Ne croyez pas que seuls les grades de Capitaine de Brûlot ou de Lieutenant de Frégate leur étaient offerts, du fait de leur roture, ou de leur non-passage par les Compagnies des Gardes. Quand on lit de près les rôles d'Officiers, les rapports divers, les comptes rendus de combats, les listes des Officiers blessés ou tués, on ne peut qu'être surpris de la proportion des enseignes et lieutenants de vaisseau, des capitaines de frégate, portant des noms roturiers ou d'infime noblesse.

N'oublions pas non plus que, si des Officiers supérieurs nobles et, en plus grand nombre, subalternes, protestaient violemment et fréquemment - en vain d'ailleurs ! - contre ces admissions de militaires et d'Officiers de la Marine du commerce, roturiers ou nobles, dans le Corps permanent, presque tous les grands chefs de mer, amiraux, chefs d'escadre, étaient le plus souvent partisans de certaines de ces admissions.

S'il est vrai que l'un d'entre eux, le marquis de Langeron, Lieutenant général des Armées navales (très bon marin selon Saint-Simon, notre grand gazetier de la Mèche), osait dire un jour que Duquesne, alors à l'apogée de sa renommée : "n'était qu'un homme de rien", il est vrai aussi que ce jour-là, Langeron, selon son habitude, devait avoir pas mal de vent dans les voiles...

Par contre, Jean d'Estrées insistait pour avoir (je cite) : "des Officiers nourris dans le métier et ayant par conséquent plus d'expérience et d'application que la plupart des gentilshommes embarqués". Désir qui, venant de lui, nous laisse rêveurs ! car enfin, il n'avait pas l'habitude de suivre les conseils de ses subordonnés plus ou moins expérimentés que lui, nobles ou pas, et singulièrement certain jour de 1678, par le travers des cailloux d'Aves, sur lesquels il ne collât que 18 vaisseaux dans cet effroyable naufrage... tache ineffaçable de sa carrière de très brave guerrier. Naufrage qu'il eût évité, vous ne l'ignorez pas, s'il avait écouté les conseils de son premier pilote, de son capitaine de pavillon et aussi des capitaines des bâtiments flibustiers qui faisaient partie de sa flotte et qui, eux, ne sont pas allés au sec.

Si l'on pouvait tenter de justifier par l'assimilation, la correspondance des grades, le recrutement des Officiers de Marine chez les artilleurs, les dragons, les fantassins de l'époque, il n'en était pas de même quand il s'agissait de capitaines du Commerce.

En principe, ils devaient débuter comme capitaine de brûlot (prenant rang entre le lieutenant de vaisseau et l'enseigne) ou comme lieutenant de frégate (prenant rang après l'enseigne).

Si les lieutenants de frégate furent assez rares, par contre les capitaines de brûlot, les grands sacrifiés sans gloire, dans les combats de flottes ou d'escadres, furent nombreux. Et jamais les volontaires, puisés parmi les lieutenants, seconds ou capitaines du Commerce, ne firent défaut pour reconstituer les Etats-Majors de brûlots régulièrement anéantis en période de guerre.

Il y eut de véritables familles de capitaines de brûlot : les Chaboiseau, les Champagne, les Serpaut, etc..

Nos historiens affirment que ces dangereux commandements étaient réservés aux officiers roturiers. C'est en partie exact, mais en partie seulement. Car, en ne consultant que des rapports de Duquesne ou de Jean d'Estrée, on découvre, surtout parmi les listes de blessés ou de tués, les Capitaines de brûlot : Chevaliers de la Pomarède, de Lalande, de Longchamp, d'Estienne, de Beauvoiis, de La Borde, de La Galissonnière (pas celui de Port-Mahon), de Kerguelin (pas le Kerguelen-Tremarec), ainsi que le Marquis de Lescalette et le Chevalier de Jolibert servant sous Chateaurenault.

Cependant, nous trouvons, et en étudiant uniquement les documents antérieurs au règne de Louis XVI, un chiffre inattendu d'officiers de la Marine du Commerce et de Course, admis dans la Marine de l'Etat en qualité d'enseigne, de lieutenant de vaisseau, de capitaine de frégate et même de capitaine de vaisseau, soit par remise immédiate du brevet, soit par délivrance d'un brevet provisoire, transformé rapidement en brevet définitif.

Le Chevalier de Saint-Georges (vous vous souvenez, celui de l'ordre fameux : "Plus de munitions ? Que l'on charge avec mon argenterie !"), capitaine à la Compagnie des Indes, reçut un brevet provisoire de capitaine de vaisseau chef de division, pour la durée d'une campagne et mourut à son bord dix-sept années plus tard chef d'escadre.

Bouvet de Lozier, lieutenant à la Compagnie des Indes comme lui, passe à l'Etat avec un brevet provisoire de capitaine de frégate.

D'autre part, si nous jetons un coup d'œil sur une des relations du combat du 7 juin 1673, la liste des officiers tués ou blessés nous donnera une idée de la composition des états-majors à cette époque :

Officiers tués : Deux capitaines : MM de Tivas et d'Estivalle ; un lieutenant : M. de Matassière ; six capitaines de brûlot, dont M. Serpaut le père ; trois enseignes dont deux gentilshommes.

Officiers blessés : Deux capitaines : MM. De Flacourt et de Villeneuve ; trois lieutenants : le Chevalier de Beaulieu, puis M. Chaboissière et M. Jaquier, ce dernier lieutenant de vaisseau sans brevet ; trois capitaines de brûlot dont M. Serpaut cadet ; deux enseignes : les Chevaliers de Roncerolles et de Monbaud, puis trois autres enseignes : MM. Sicart, Nicolas Cadeneau et le Chevalier de l'Isle, tous les trois enseignes sans brevet.

Je ne relèverai pas les noms de la bordée du milieu, gardes et volontaires. Je ferai toutefois exception pour un seul, qui lui-même blessé, sauva son lieutenant désarmé en transperçant le lieutenant ennemi de son épée et en tuant le capitaine d'un coup de pistolet, non pas, parce qu'il se conduisit en héros, mais parce que, ce jeune Durivaux (Durivaux en un seul mot) était porté sur le rôle en qualité de Volontaire... sur lettre de cachet ! Sur lettre de cachet ! Quel aimable éclectisme dans le recrutement des officiers de mer du temps du Grand Roi !

Voulez-vous un autre exemple particulièrement typique ? Sur une liste de douze officiers "spécialement choisis par le Roi" lui-même et destinés à l'escadre de M. d'Almeras, nous relevons : Officiers gentilshommes : sept (trois capitaines, trois lieutenants, un enseigne). Officiers roturiers : cinq (deux lieutenants, trois enseignes).

Cette liste est datée du 10 mars 1675 et elle est signée : Louis.

Ce n'est qu'au début de la deuxième moitié du règne du Louis XV que les officiers de la Marine de Guerre provenant du Commerce, devinrent plus rares.

Pas d'amateurs ! Seuls, parait-il (je cite) : "Officiers et capitaines sans emploi pour défaut de bonnes notes et réputation, pouvaient être recrutés", en période de paix. Mais, dès le renouveau de notre Marine, sous Louis XVI, et le début de la Guerre de l'Indépendance Américaine, les offres et aussi les candidatures reprirent le rythme antérieur aux années de décadence.

Mais il faut, en toute vérité, reconnaître que depuis Colbert jusqu'à la Révolution, la presque totalité des commandements des grands vaisseaux de ligne, a été réservée aux officiers titrés et surtout à ceux d'entre eux bénéficiant de puissants appuis à la Cour. Les "bâtards du cotillon" n'étaient pas un mythe !...

Les effets de l'absence de hautes protections se faisaient d'ailleurs sentir dès les débuts dans la carrière. N'oublions pas que des gardes ne passaient enseignes qu'à trente et même trente-trois ans d'âge ! tandis que d'autres arrivaient capitaines de vaisseau avant vingt-cinq ans !

Ce n'était pas spécial à la France, loin de là ! et en Angleterre, notamment, où pourtant la naissance ne jouait pas, du moins dans la Marine, quantité de Midships, après avoir été embarqués dès leurs quatorze ou quinze ans, sévèrement éduqués, souqués, et même copieusement fouettés, amarrés au grand cabestan (ce que n'avaient pas à redouter nos gardes et volontaires) étaient soudain, après plusieurs années de mer, définitivement oubliés à terre, faute de relations !

Il est donc absolument avéré que si la très grande majorité des officiers de la Marine de l'Etat provenait des gardes de la Marine, une minorité beaucoup plus importante qu'on ne le dit ou l'écrit habituellement, était recrutée parmi les anciens volontaires de la Marine de Guerre et les officiers de la Marine du commerce ou de course, titrés ou roturiers.

Et je dois ajouter, pour une part infime, chez les maîtres, les pilotes de préférence, qui recevaient le grade de capitaine de flûte. Tels Cornic-Duchesne qui s'en trouva très mal et Willaumez qui s'en trouva fort bien.

Tous ces officiers constituaient le Corps permanent des officiers de la Marine de Guerre : le "Grand Corps" ainsi qu'ils le qualifiaient et qui, suivant les définitions officielles de l'époque, désignait : "l'ensemble des officiers militaires entretenus de la Marine Royale navigante". Car ils étaient dits officiellement "entretenus". C'était tout simplement les officiers de "carrière" de l'époque...

Et tous, sans exception aucune, quelle que fut leur origine de recrutement, quelle que fut leur naissance, arboraient le même uniforme, celui dit des officiers "entretenus" : habit bleu sans paniers, doublure, parements et revers, écarlates ; veste, culotte et bas rouges. Avec les galons de bordure de l'habit, en or, plus ou moins larges - et plus ou moins de galons sur les manches - suivant le grade.


Les mêmes couleurs d'uniformes pour tous les officiers, ainsi que le précise, une fois de plus, l'ordonnance de Choiseul de 1764 : du vice-amiral au capitaine de flûte, en passant par le lieutenant général, le chef d'escadre, les capitaines de vaisseau et de frégate, le lieutenant de vaisseau, le capitaine de brûlot, l'enseigne de vaisseau et le lieutenant de frégate.

Cependant et malgré la création des officiers entretenus, la Marine de jadis s'est trouvée dans la nécessité en temps de guerre, de faire largement appel aux officiers du commerce. En outre, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui, elle tenait à en avoir sur ses bâtiments en période de paix. Mais en moins grand nombre, cela se conçoit.

Pourtant, sur douze officiers composant les deux Etats-Majors de La Boudeuse et de l'Etoile de Bougainville, nous trouvons : six officiers entretenus (dont deux provenant d'ailleurs de la Marine du Commerce : Chenard de la Giraudière, capitaine de l'Etoile, et Duclos-Guyot, second de La Boudeuse) ; et six officiers non entretenus provenant du commerce.

Tous les officiers servant provisoirement dans différents grades et qualifiés officiellement d'officiers "non entretenus" ou "sans brevet", "temporaires" et plus tard "auxiliaires" n'étaient autres que les officiers de "réserve" de l'Ancien Régime.

Et ce sont ces "non entretenus", ces réservistes, roturiers ou nobles, et eux seuls, qui, durant leurs service sur les bâtiments de l'Etat, conservaient l'uniforme de couleur bleue (couleur adoptée de longue date par la Marine du commerce), avec toutefois les boutons et les galons de la Marine de guerre, mais sans les épaulettes. Et l'officier de carrière qui, par opposition, se disait "rouge" qualifiait de "bleu" l'officier de réserve avec, inévitablement, un très grand mépris. Alors que les officiers de carrière que j'ai connus, du moins avant la guerre de 1914, ne marquaient qu'un très acceptable dédain quand ils parlaient des "Réservoirs".

Mais là où les officiers entretenus provenant des Gardes passaient les bornes, c'est - et ils ne s'en privaient pas - quand ils traitaient également de "bleus" leurs camarades entretenus, roturiers ou nobles, d'une autre origine que la leur, lesquels pourtant, portaient le même uniforme qu'eux. Tout comme le roturier Cornic-Duchène, ancien maître pilote, le Vice-Amiral Comte d'Estaing, ancien militaire, fut, durant presque toute sa carrière, un de ces soi-disant bleus, un de ces "intrus", tout particulièrement abhorrés.

Ainsi, contrairement à ce que d'aucuns pensent ou impriment encore aujourd'hui, tous ces marins que je cite, tous ces marins dont les noms nous sont familiers, admis directement dans le corps des officiers de carrière sans avoir auparavant servi comme temporaires, n'ont donc jamais porté, malgré leur roture, que l'uniforme bleu et rouge des officiers entretenus.

Et puis, entre nous, pensez-vous qu'ils pouvaient être hommes à accepter de servir - et jusque dans les plus hauts grades - sous un uniforme qui les aurait distingués, en les diminuant, des autres officiers permanents de la marine de guerre ? Pour moi, c'est impensable.

Pour terminer, que vous dirais-je encore, en soutien de mon affirmation :

- D'abord, que les documents des XVII° et XVIII° siècles, y compris les Ordonnances traitant de la hiérarchie navale et aussi du port de l'uniforme règlementaire, n'ont jamais évoqué - du moins à ma connaissance - cette fameuse tenue bleue "réservée aux officiers non gentilshommes".

- Ensuite, que nous pouvons aisément nous faire une opinion devant les peintures, les portraits de l'époque, tel celui en pied de Duguay-Trouin en grande tenue de Chef d'Escadre, pour n'en citer qu'un seul.

Duguay-Trouin par Chasselai

Par Chasselai - Museu Histórico Nacional / Rio https://www.expo500anos.com.br/painel_36.html, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=210189


- En outre, que, si dans son "Histoire de la Marine Française" parue en 1845, le lieutenant de Vaisseau de Lapeyrouse-Bonfils nous parle des officiers "bleus" comme s'il s'agissait d'officiers entretenus... il termine en nous disant que "ces officiers dits auxiliaires, recevaient du Roi une commission limitée pour la durée de la campagne, ou pour la durée de la guerre".

Ce n'était donc pas des officiers de carrière ! Et il n'est pas question de noblesse ou de roture dans son texte.

- Enfin... que le Vice-Amiral Willaumez, ancien maître-pilote sous Louis XVI, dans son "Dictionnaire de Marine" paru sous Louis XVIII, et Pierre de Bonnefoux, Capitaine de Vaisseaux, Commandant de l'Orion, examinateur de l'Ecole navale, puis examinateur en chef des candidats aux Brevets du long cours, dans son admirable "Dictionnaire de la Marine à voiles" paru en 1847, sont absolument d'accord et écrivent tous deux : "Officiers bleus" : qualification donnée avant la Révolution de 1789 aux officiers de la Marine du commerce appelés à servir temporairement sur les bâtiments de l'Etat. Ils ne portaient pas l'épaulette et leur uniforme était tout bleu".

En vérité, "l'habit bleu imposé par la Royauté aux officiers de la Marine de guerre roturiers" est bien une légende, une légende assez odieuse et perfide, et devenue hélas ! comme tant d'autres, vérité historique.

Armand Hayet

Capitaine au Long-cours

sur ce sujet...

quelques liens vers des articles intéressants

mais qui prouvent malheureusement que le travail d'Armand Hayet n'a pas fait florès :-(



La formation des officiers de marine : de Richelieu au XXI° siècle, des gardes aux bordaches.

La formation des officiers de marine : de Richelieu au XXI° siècle, des gardes aux bordaches par Patrick Geistdoerfer

https://tc.revues.org/1467


Game labs official forum

https://forum.game-labs.net/index.php?/topic/5096-grades-fran%C3%A7ais-marine-royale/

Créez votre site web gratuitement ! Ce site internet a été réalisé avec Webnode. Créez le votre gratuitement aujourd'hui ! Commencer