Presse d'époque                  Dictons et Tirades

1935 - Le Matin

AU TEMPS DES VOILIERS

13 janvier 1935

Germaine Beaumont

Aimez-vous la mer ? Aimez-vous tout ce qui s'y rattache ?

Dans son livre si beau, si nostalgique, Dictons et Tirades des Anciens de la Voile, Armand Hayet, capitaine au long cours, a justement réuni tout ce qui pouvait le mieux émouvoir les fervents de la mer et a pu rassembler, non sans patience et sans peine, toute une série de proverbes marins.

Que la superstition joue un aussi grand rôle que l'observation dans ces remarques transmises de voilier en voilier, de siècle en siècle par les matelots, c'est possible. Mais de même que les dictons terriens de nos paysans, ils sont basés sur un respect sans limites des forces de la nature.

Et si le sédentaire n'en peut guère tirer un parti pratique, quelle moisson de poésie et de rêve pour les heures de réclusion et d'ennui !

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Pour avoir su choisir ainsi parmi les innombrables « dits » des gens de mer, Armand Hayet doit avoir le goût de la poésie, et plus encore, pour avoir dans les arides Instructions nautiques, sut détacher l'ampleur suggestive d'une phrase comme celle-ci : « Pour faire bonne route dans la passe, tenir exactement le grand cocotier isolé de la plage, par le mât d'hune émergeant du bateau coulé, à l'accore du banc de corail intérieur ». Ainsi, tout à coup, parmi les chiffres, apparaît la silhouette de Robinson et de Vendredi, le souvenir des livres d'aventures dont les récifs, les bancs, les sources traversant les plages, ont formé le décor des enfances imaginatives. 

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Comme on le voit, ce livre, s'il éveille au cœur des anciens de la voile, les longs échos d'un beau souvenir, ne manquera pas, dans l'esprit des terriens, de susciter le respect, l'amour, le reflet d'une navigation désormais condamnée. Les évocations de sa carrière de marin dont Armand Hayet honore le début de son livre, ont le mouvement et la saveur d'un roman d'aventures. Rendons-lui grâce de percer la nue des jours quotidiens et d'y faire pénétrer ce rayon d'un autre temps.

« En vérité, dit-il, comme vos fiers navires, marins long-courriers, vous êtes déjà du passé, et votre sillage dans l'océan des souvenirs s'efface... s'efface... et va disparaître... »

Certes, mais sous la couronne effeuillée de ces Mémoires et de ces dictons.

Signé Germaine Beaumont

Lettre d'Armand Hayet à Germaine Beaumont

Paris, le 16 janvier 1935

Madame,

Je pensais bien que mon livre vous intéresserait tant soit peu, bien qu'il n'ait peut être qu'un mérite véritable : celui d'être purement marin sans plus... si ce n'est encore d'avoir été écrit avec amour.

Mais je n'espérais pas que vous en feriez un tel éloge ! Vraiment pour parler ainsi de nos beaux et rudes dictons et des modestes pages d'inutiles regrets qui les accompagnent, vous avez dû pour la circonstance vous faire un cœur de long-courrier de jadis. 

Je suis vice-président de « l'Association Amicale des Capitaines au Long-Cours » qui groupe près de 200 membres dont la plupart ont navigué ou commandé à bord des grands voiliers maintenant disparus, et qui collectionnent pas mal d'années d'Aventure, passées dans les Iles, ou au vent de la brigantine en battant la lame d'Ouest.

J'aurais mauvaise grâce à dire que mes « Chansons de Bord » (...les avez-vous ?) et mes « Dictons et Tirades » n'ont pas reçu un accueil enthousiaste de la part de mes camarades tout particulièrement difficiles et sévères pour tout ce qui touche littérairement la Mer, ses Navires et ses hommes : histoire, romans, études, critiques. Nous sommes tellement trahis par les écrivains dits maritimes et les autres, par les dramaturges et les comédiens, les cinéastes (oh ! ceux-là !!) les poètes aussi... par tous quoi !...

Tout ceci pour vous dire que sur une lettre reçue aujourd'hui de mon ami le Président de notre Association, j'ai lu ce P.S.

« 19.5 pour Germaine Beaumont, article du Matin »

Voici, traduite un peu brutalement peut-être mais si sincèrement, si ardemment, l'impression laissée sur les derniers marins de la Voile, par la lecture de votre bel article sur les « Dictons et Tirades ».

Que pourrai-je ajouter ici pour vous exprimer plus exactement mon contentement, ma reconnaissance ?... même pas un ½ point à cette note ! mais cela à mon cœur défendant - parce que, dit-on depuis longtemps, la perfection n'est pas de ce monde... ni sur terre, ni sur mer, et que plus qu'aucun autre je dois respecter les vieux dicts..

Avec mes vifs remerciements, veuillez agréer, Madame, mes hommages respectueux.

A.H.


République du Var - 20 février 1935

Le Petit Var - 20 février 1935
POESIE ET SAGESSE MARINE
SAINT-MAYME

Tous ceux qui aiment la mer, la poésie des voiles gonflées de brises câlines ou de rafales rageuses, les vieilles choses qui vont murir, les traditions pittoresques et saines, doivent un grand merci à M. Armand Hayet.

Capitaine au long cours, écrivain très attachant, M. Armand Hayet  s'est passionnément employé à recueillir des trésors dispersés, mutilés, prêts à s'ensevelir dans l'oubli, car la voile se meurt - la vraie voile est morte... - Il s'agit, en effet, des chansons, des dictons et des tirades du bon vieux temps du goudron, des cabestans à bras et des huniers.

Cette pieuse et louable tâche ne pouvait évidemment être entreprise que par un marin religieusement amoureux de son métier. Elle nécessitait de nombreuses et patientes recherches, des enquêtes, des confrontations et des reconstitutions de textes. J'en passe... M. Armand Hayet   peut se consoler de ses vingt années d'efforts : il a brillamment atteint son but.

Un premier ouvrage, « Chansons de Bord », nous restitue ces couplets colorés, naïfs, nostalgiques - parfois un peu libres, ce qui ne saurait surprendre - que tant de matelots ont chanté en virant au cabestan, en hissant les voiles, ou ont repris en chœur aux heures de repos sur le gaillard d'avant.

Que d'émotion, que de vraie poésie, que de naturel dans ces textes frustres et directs !

Aujourd'hui nos matelots chantent des rengaines de bastringue ou des extraits de films sonores où l'on donne à la marine, bien souvent, un singulier visage. Dans ces chansons langoureuses, déclamatoires ou fantaisistes, tout est artificiel : les sentiments, les évocations, le « climat » et parfois la langue.

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Dans le deuxième livre qu'il vient de publier, « Dictons et Tirades des Anciens de la Voile », M. Armand Hayet nous donne de bien jolis souvenirs de carrière très agréablement instructifs, et, par places, fort émouvants.

Parmi les dictons que contient l'ouvrage, il en est qui figuraient déjà dans l'Odyssée a travers les siècles, en effet, les astres, les nuages, l'aspect du ciel, la couleur des eaux, les mœurs des certains poissons, les Dieux - le Diable lui-même - ont été pour les marins des sujets d'observation pour la prévision du temps ou d'invocation pour l'heureuse suite du voyage.

Ces dictons contiennent aussi de judicieux conseils de navigation, de subtiles remarques sur la pratique du métier. 

D'autres prêchent la résignation si nécessaire aux navigateurs : la mer est une sévère école de patience ; ou bien ils évoquent le souvenir des relâches lointaines, les joies de l'escale prochaine, les déchirements de certains départs :

Cent et cent autres dictons de toutes nuances vaudraient d'être cités - Limitons-nous à celui-ci qui pourrait fort avantageusement être appliqué dans la vie sociale :

Chacun à sa place

Le bateau est droit.


Les deux ouvrages de M. Armand Hayet  sont très artistiquement présentés par les éditeurs Denoël et Steele. Les illustrations et l'exécution typographique sont remarquables. Les bibliophiles feront bien d'en prendre note.

Et maintenant, lecteurs, je vous souhaite de savourer ces deux beaux livres en ces soirées de froidure où, comme le constate un dicton du recueil « on est mieux dans une chambre que sous les cieux ». Votre cœur en sera réchauffé et votre esprit baignera dans la joie.

Et quand vous les aurez lus, vous ne pourrez plus penser sans attendrissement à ces loups de mer qui, ne disposant que d'instruments de navigation très rudimentaires, se confiant à quelques planches et à quelques toiles, dans des conditions matérielles souvent lamentables, parfois atroces, arpentèrent jadis tous les océans de la planète, sans cesser de philosopher et de chanter.

Signé SAINT-MAYME


 Hebdo - 19 juillet 1935 -+- Marseille Matin - 9 janvier 1935

Midi Journal - 2 mars 1935

LES PROVERBES DE LA MER
André ROUSSEAUX

Je crois bien que je donnerais tous les parfums de l'Arabie pour l'odeur salée des embruns. J'aime la mer, soit qu'elle déferle sur un rivage, soit que j'entende, du pont d'un navire, le déchirement continu des eaux par l'étrave. Un livre vient de m'apporter cette odeur et ce bruit. Ma bibliothèque en est transfigurée.

Tous les hommes qui ont mené, en tête-à-tête avec les éléments, une vie active et silencieuse ont su atteindre profondément les sources de la poésie universelle. On connaît ce qu'ont donné à cet égard les méditations des bergers et des laboureurs : des proverbes dont l'origine se perd dans la nuit des temps et qui retiennent dans leurs formules la sagesse accumulée par l'expérience humaine en regardant passer les saisons et tourner les étoiles. Le livre dont je parle nous offre la sagesse d'un autre monde : non plus celui des hommes des champs, mais celui des matelots. Nous connaissions les proverbes de la terre. Voici, à l'usage des terriens qui les ignoraient, les proverbes de la mer.

Celui qui les a réunis, M. Armand Hayet , est un ancien capitaine au long cours. Du temps où les capitaines ne savaient point ce qu'est un moteur au mazout ou même une hélice, mais connaissaient le maniement du petit hunier et du cacatois. C'est pourquoi son livre s'appelle Dictons et Tirades des Anciens de la Voile. Ce n'est pas assez dire qu'il dégage une odeur d'embruns. Il sent le goudron, la voile mouillée et même l'odeur puissante qui émanait des vaisseaux de bois.

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