Jean-Marie Le Bihor


Mais qui c'est, ce Jean-Marie Le Bihor ???

Fort probablement un marin qu'Armand Hayet a côtoyé, sous ce nom ou sous un autre. Il était pour lui - me semble-t-il - le symbole de tous les matelots, et la quintessence de leurs qualités.

C'est sous ce nom qu'il correspondait avec son ami Paul Budker, comme l'explique Pierre Sizaire dans la préface de son livre "le parler matelot".

Paul Budker lui répondait sous le nom de Jean-Marie Nordet et leurs lettres, rédigées en pur "parler matelot" commençaient par : "Message de Jean-Marie Nordet, quartier-maître de manœuvre à bord du dundee "Dolphin", annexe des écoles de la marine, en rade de Brest, à Jean-Marie Le Bihor, gabier d'artimon à bord du trois-mâts barque "Ardente Artémise", de Bordeaux, Capitaine Ressac".

Et de quoi parlaient-ils, Armand et Paul, par les voix des deux Jean-Marie ? Du bien-fondé de pouvoir cracher au vent si on avait passé les trois caps, et de quels trois caps s'agissait-il ? ; de l'étymologie et de la prononciation du mot yacht-jacht-yachete-yott-yak ; de la différence entre brick et corvette et de l'aventure de "l'Indomptable Soëzic", trois-mâts transformée en brick par une tempête si forte "que le vent avait arraché le mât d'artimon, haubans, étais, prélart, vergues et tout... et que l'artimon s'était envolé au feu de Dieu, qu'il était monté si haut qu'on l'avait jamais revu". Et sûrement de plein d'autres choses qui hélas, ne sont pas restées...

C'est donc tout naturellement qu'Armand Hayet, au moment de signer ce livre qui avait vraiment une odeur d'océan, a pris pour pseudonyme celui de Jean-Marie Le Bihor.

Réponse d'Armand Hayet...

T'as pas lu mes livres, bigaille ? C'est écrit noir sur blanc !


"Plus tard j'eus sous mes ordres le maître d'équipage Le Bihor, type du Morbihannais presque aussi large d'épaules que haut, le visage enfoui dans une barbe à peine moins dure que les fameux balais de bruyère avec lesquels il finissait, ma parole, par faire user notre pont de pitchpin".

Armand Hayet - Dictons et Tirades

Reconnaissance de culpabilité 

"En effet, je dois avouer que par respect pour la plus élémentaire bienséance, j'ai dû à mon grand regret, commettant ainsi une véritable profanation, substituer bien des fois dans les textes présentés au lecteur, quelques termes plus doux aux paroles rugueuses et, pour être sincère, franchement obscènes qui sont l'ornement inévitable de toute chanson vraiment pure de Jean Matelot".

Armand Hayet - Chansons de bord

Chansons de la Voile sans voiles.

Parution en 1935 - Editions "La Société des Amis du gaillard d'avant"

Illustré par qui ?
Illustré par qui ?

Que dit Wikipédia

"Le plus connu des mémorialistes de la marine à voile, le Commandant Hayet, ancien capitaine au long cours (avant la guerre de 14-18), d'origine bordelaise, qui recueillit et transcrivit les chansons de bord du temps de la Marine à voile publia d'ailleurs deux versions de son recueil : l'une quelque peu expurgée titrée "Chansons de bord" et l'autre, non expurgée, sous le titre "chansons de la marine à voile...sans voiles" aux paroles plus authentiques ...et nettement plus "salées" qu'il publia sous le pseudonyme de Jean Marie Le Bihor....

Ce livre à faible diffusion fut voué à l'"Enfer" de la Bibliothèque Nationale (la section réservée aux livres pornographiques) et fut redécouvert par l'écrivaine et éditrice Régine Deforges qui souhaitait éditer un recueil de chansons "que la morale réprouve", incluant aussi les chansons d'étudiants en médecine".


https://fr.wikipedia.org/wiki/Chant_de_marins#Chanteurs_et_groupes_de_chants_de_marins

Décidément, Jean-Marie Le Bihor n'est pas content

extraits de Chansons de la Voile sans voiles

"Alors parce qu'ils écrivent dans des journaux ou dans des livres et que c'est menteur comme commissaire à cinq galons et voleur comme cambusier, tous ces envergués-là ça voudrait nous apprendre à parler ? Commis aux écritures de mes deux, va !..."





"Alors tu dis comme ça qu'y fallait pas mettre "avantage" dans nos chansons, au lieu de "pucelage" ? 


"Ben ! tas de faillis calfats que tu es, débrouillard comme un morpion dans un baril de goudron, écoute voir un peu quand je te dis ! Dis-moi d'abord que tu as entendu des long-courriers chanter nos chansons à terre ? Dis-le moi pour voir que je te foute une pavoine que t'auras la joue plus chaude que le chenal à la Fanny....."

oups... (censure)




"Mais vous autres, tas de faillis maîtres d'école de cochons malades, il faut que tu changes tout ce qui est bien paré et lové pour l'entendement pour en faire des mensonges ! Pourquoi que tu dis : "il pleut et il fait soleil, c'est le diable qui bat sa femme !". Tu sais bien tête de Judas que quand il pleut et qu'il fait soleil, c'est le diable qui encule la reine !"


"Nous, vous comprenez qu'on écrit pas comme on parle parce que les mots pour causer ne sont pas tous pour être écrits ? C'est mon Cap'taine qu'était pas encore Cap'taine qui expliquait une manoeuvre de mâture à un Cap'taine de frégate examinateur. Alors, qu'il dit en parlant comme son livre, "je fais mollir devant en douceur pour présenter la noix de l'étrier de brasseyage au piton fixé au bas-mât".

"Comprends pas", qu'il fait le frégaton.

Du coup, mon Cap'taine, il devine :

"Oh ! Pardon Commandant ! Je fais mollir doucement devant pour présenter la connassière de l'étrier de brasseyage au vît de mulet fixé au bas-mât".

"Très bien, Monsieur", qu'il dit le frégaton.

Donc tu vois que parlé et écrit, ça fait deux qu'est pas du même bord."

Derrière chez moi, y a-z-un petit bois

.........................................................

Que faites-vous à mon enfant ?

Hourra mes boués ! Hourra ! (en choeur) 

J'suis en train d'lui compter les dents

tra la la la la la la la la (en choeur)

Il lui en manqu'une sul l'devant

Hourra mes boués ! Hourra ! (en choeur)

Dans un pt'it trou rose et charmant

tra la la la la la la la la (en choeur)

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C'est à mon tour, dit la maman

Hourra mes boués ! Hourra ! (en choeur) 

Il m'en manque une également

tra la la la la la la la la (en choeur)

................................................................

Quand la boiteuse va-t-au marché


Quand la boiteuse va-t-au marché

Avec son beau petit panier

Elle emmène aussi son gabier

C'est lui qui la fait manoeuvrer

Elle s'en va rouli-roulant

Ah ! maman ne pleurez pas tant

Ah ! ma doué quel trésor

D'avoir épousé, d'avoir épousé

Ah ! ma doué quel trésor 

D'avoir épousé 

Un con tout en or

Coupets 2 à 6 censurés ... désolée.

Le curé de Landevan

C'est le curé de Landevan,

C'est le curé de Landevan, 

Qui ne veut pas qu'on ait d'galants.

Balancez mon gros vît,

Chatouillez mes rouleaux,

Pan, pan, pan, commère ma pinette,

Pan, pan, pan, compères mes rouleaux.


Ben oui, les marins, (si c'étaient bien des hommes de cœur, et des hommes de chœurs), c'était pas des enfants de chœur ! On vous avait prévenu !

Qu'en disait la presse à l'époque ?

extrait d'article dans la Revue de la Marine du Commerce - 1935

"Jean-Marie Le Bihor, gabier au long cours, a trouvé que les chansons du capitaine Hayet avaient quelque peu sacrifié ses bonnes manières. C'étaient là des chansons d'officiers où les mots trop crus étaient remplacés par des synonymes. Il a voulu, avec l'aide peut-être de son ancien capitaine, nous donner les « Chansons de la voile sans voiles », telles que les long-courriers les chantaient sur les grands voiliers d'antan.

Fort bien illustré de dessins évocateurs, l'ouvrage intéresse les marins et ceux qui connaissent et aiment la marine, à condition toutefois qu'ils n'aient pas froid aux yeux ni les oreilles délicates. Jean-Marie Le Bihor appelle un chat un chat et si son ouvrage est des plus salé, c'est qu'il est l'œuvre d'un vrai loup de mer.

Il serait faux cependant de croire que les marins de la voile étaient des débauchés et des pervertis. Les chansons rythmaient leurs efforts, et le rire qu'elles déchaînaient était un rayon de gaieté sur leur misère. Ces hommes qui vivaient comme des moines pendant des mois avaient besoin d'extérioriser leurs sentiments. Ils parlaient beaucoup d'amour charnel, leurs imaginations travaillaient ferme, puis en fin de compte, pendant toute leur vie, de l'enfance à la vieillesse, ils furent peut-être plus chastes que bien des terriens, puisqu'ils passèrent les neuf dixièmes de leur existence entre le ciel et l'eau.

L'introduction aux « Chansons de la voile sans voiles » est une pure merveille de style matelot, et nous félicitons de tout cœur Jean-Marie Le Bihor, matricule 7.312 Vannes, d'avoir manié sa plume avec autant de dextérité que jadis il manœuvrait sa paumelle".

Signé Léon Lesieutre, CLC


Les éditions Denoel

et leurs enseignes fictives


https://www.thyssens.com/02biblio/08ens_div.php

3. Deuxième livre libertin publié en 1935 par Denoël, dû à Jean-Marie Le Bihor, pseudonyme du capitaine au long cours Armand Hayet.

Champigny, dont Denoël publiera en 1929 Le Grand Vent, un recueil de chansons de marins, connaissait de longue date Armand Hayet [Bordeaux 1883 - Paris 1968], qui a publié en 1927 ses premières Chansons de bord aux Editions Éos, rééditées avec succès par Denoël en 1934 et 1937. C'est elle qui a amené l'auteur rue Amélie. (Les quatre premiers ouvrages publiés par la firme portent l'adresse : 60, avenue de La Bourdonnais, jusqu'au 15 novembre 1930, date à laquelle les éditeurs s'installent au 19, rue Amélie.


Pourquoi éprouve-t-il le besoin de publier sous pseudonyme les Chansons de la voile « sans voiles » et de les éditer à « Dunkerque, Pour les Amis du Gaillard d'avant » ? Ce n'est pas un livre vendu sous le manteau puisque son tirage est de quelque 2 000 exemplaires.

C'est plutôt une coquetterie galante dont personne ne fera mystère, et au surplus, un joli livre illustré par Charles Bredon. Personne, sauf le rédacteur de sa fiche à la Bibliothèque Nationale, qui n'a pas percé le pseudonyme, ni Pascal Pia, d'habitude bien renseigné sur les auteurs de livres érotiques."  (Version jusqu'au 19 mai 2017 voir plus loin)

Nota : Charles Bredon a harmonisé les chansons, pas illustré !

Mais alors, qui ?

Qui a illustré de façon si coquine les Chansons de la Voile sans voiles ? Le mystère est resté entier, jusqu'au jour où un internaute inspiré, Monsieur J.C Dreux, responsable de l'atelier de chants marins de l'Association des Amis du Musée Maritime de La Rochelle, m'a soumis le fruit de ses recherches. En comparant la couverture (signée - voir illustration à la page consacrée : https://armand-hayet.webnode.fr/dictons-et-tirades-des-anciens-de-la-voile/) du livre "Dictons et Tirades" et les images des Chansons sans voiles, en recoupant les typographies, en confrontant les goélands qui figurent sur les deux couvertures, en trouvant le lien qui unissait le peintre aux Editions Denoël, il a pu mettre un nom sur le discret et sulfureux illustrateur : il s'agit sans aucun doute de Franck PRIBYL, peintre autrichien ami de Denoël, qui a travaillé avec lui de 1933 à 1945.

La preuve par le goéland
La preuve par le goéland
La preuve par la typographie
La preuve par la typographie

Correctif

Et c'est ainsi que la fiche bibliographique des Editions Denoël a été corrigée, rendant à Bredon à Pribyl leurs contributions exactes. 

https://www.thyssens.com/02biblio/08ens_div.php


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